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Réforme VPH : Lettre ouverte aux ministres concernés

Face à l’urgence du calendrier annoncé pour la Réforme VPH, les fabricants, les PSDM/PSAD et les pharmaciens experts du MAD ont souhaité s’associer dans une lettre ouverte, afin d’alerter publiquement les responsables de la nouvelle nomenclature et de sa tarification associée. Notre interpellation, adressée à François Braun, Ministre de la Santé et de la Solidarité, à Jean-François Combe, Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes Handicapés, ainsi qu’à Geneviève Darrieussecq, Ministre déléguée aux Personnes handicapées, vise à les avertir des conséquences potentiellement délétères du projet en l’état pour toute la filière des fauteuils roulants.

L’UNPDM, l’UFAT, le SNADOM et l’UPSADI demandent une vraie concertation, des moyens financiers et un délai progressif de mise en œuvre. Trois points nous préoccupent en priorité : l’adaptation des entreprises au changement de modèle économique induit par la Réforme VPH, la garantie du maintien d’une offre d’aides techniques de qualité pour les bénéficiaires, et la reconnaissance de la légitimité des prestataires dans le développement de la Remise en bon état d’usage (RBEU).

Nous vous invitons à prendre connaissance de notre lettre ouverte ci-dessous, et à la relayer autant que possible.

Lettre ouverte aux Ministres de la Santé, de l’Autonomie et des Personnes handicapées
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Paris, le 15 février 2023

 

A François Braun, Ministre de la Santé et de la Prévention

A Jean-Christophe Combe, Ministre des solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées

A Geneviève Darrieussecq, Ministre déléguée, chargée des Personnes handicapées

Messieurs les Ministres,
Madame la Ministre,

Depuis la publication d’un avis de projet en septembre 2021, la réforme de la nomenclature et de la tarification des Véhicules pour personnes handicapées (VPH) mobilise pleinement nos professions.

Aujourd’hui, en vous adressant une lettre ouverte, c’est au nom de l’intérêt des personnes qui sont au cœur de nos missions que nous attirons votre attention sur les conséquences de ce projet en cours, dont l’issue s’avère cruciale pour la qualité de vie des usagers en situation de handicap ou en perte d’autonomie, comme pour l’avenir des professionnels qui les accompagnent au quotidien.

Nos syndicats représentent des fabricants, des prestataires (PSDM/PSAD) et des pharmaciens experts du maintien à domicile des malades chroniques, des personnes âgées et des personnes handicapées. Implantés sur tout le territoire, nos adhérents constituent un réseau national d’entreprises de proximité qui, tous les jours, mettent au service de milliers de Français les prestations et produits de santé relevant de la liste des dispositifs médicaux remboursés par l’Assurance maladie.

Le calendrier annoncé lors du Comité de pilotage sur les aides techniques le 24 janvier 2023 (presqu’un an après sa dernière réunion en février 2022) prévoit une publication des textes définitifs de la réforme VPH, au plus tard en juin 2023. Après des mois de silence, cet agenda désormais précipité à brève échéance soulève de fortes inquiétudes et laisse craindre que le travail de concertation, auprès de l’ensemble des parties prenantes, ne puisse se faire dans les conditions qui permettraient de mener à terme une réforme juste et équilibrée.

En effet, si plus de 400 observations sur le texte initial ont été formulées en avril 2022 par la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS), c’est bien que la nomenclature proposée nécessite d’importantes modifications et une véritable concertation dans le dialogue et la négociation, avant de pouvoir entrer en vigueur.

Or, à ce jour, ni les syndicats de PSDM/PSAD, ni les associations d’usagers, ni les représentants des fabricants ne connaissent le projet retenu pour la nouvelle nomenclature des fauteuils roulants et quelles recommandations publiées par la Haute Autorité de Santé (HAS) seront finalement suivies. De même, aucun montant budgétaire n’a été évoqué depuis décembre 2021, et les projections tarifaires avancées à cette date étaient tout à fait insuffisantes pour que le projet soit économiquement soutenable en l’état pour les acteurs impliqués sur le terrain depuis des décennies auprès des bénéficiaires et des patients. De surcroit, à cette date, aucune contribution des mutuelles ou des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) n’était envisagée, sans compensation de leur apport financier actuel au remboursement. Enfin, les modalités d’application ne nous ont pas non plus été précisées, livrant ainsi toute la filière VPH a l’incertitude quant aux moyens à mettre en œuvre avec des délais très courts.

***

Dans l’attente de ces éclaircissements, sachez que nous sommes convaincus de la nécessité d’une réforme répondant davantage aux besoins des personnes et intégrant plus d’innovations technologiques. Nous sommes prêts à faire évoluer le modèle actuel et nous y travaillons depuis plus d’un an sans échanges, à notre plus grand regret, avec nos Ministères de tutelle.

Dans ce cadre, nous souhaitons porter à votre connaissance trois points d’alertes, indispensables à prendre en compte pour le succès de la refonte des Titres I et IV de la LPPR, que nous appelons tous de nos vœux.

1. L’adaptation au changement de modèle économique

Le projet tel qu’il est paru en septembre 2021 implique un changement de modèle économique qui favorise la location (courte et longue durée, avec option d’achat) au détriment de la simple acquisition, pour tous les types VPH disponibles. L’idée promue est de privilégier le besoin de l’usager et son évolution, en ajustant dans le temps le produit délivré. Il s’agit aussi d’un enjeu de maîtrise des dépenses publiques de santé que nous entendons. Toutefois cette finalité ne saurait être atteinte sans tenir compte de l’impact financier de la réforme sur les prestataires pris en étau entre les baisses tarifaires annoncées et une augmentation concomitante des besoins en investissement, frais de structure et coûts de gestion opérationnelle.

A titre d’illustration, aucune entreprise ne pourra prendre en charge sur ses fonds propres la maintenance d’un VPH loué durant 4 ans et 6 mois, ou la vente à perte de celui-ci à l’issue de la période de location. Par conséquent, il importe de prévoir des forfaits de mise à disposition et de réparation des fauteuils roulants, qui amortissent la globalité des prestations fournies par les PSDM/PSAD : essais, livraison, consignes d’utilisation, réglages, maintenance, déplacements, SAV, suivi de traçabilité, remise en état, désinfection, stockage, etc.

Nous sommes disponibles pour travailler avec vous aux adaptations nécessaires de la nomenclature et de sa tarification associée. Nous pensons qu’une réforme VPH centrée sur les patients et économiquement soutenable est faisable, à condition d’organiser une transition sur 3 ans, ce qui établirait une trajectoire progressive de mise en place de la réforme VPH, dans le but d’assurer une équitable rémunération des intervenants et le maintien des références actuelles de fauteuils roulants.

Nous vous alertons donc sur l’urgence d’une concertation permettant de résoudre la question de la soutenabilité économique du projet, faute de quoi les acteurs de terrain que nous représentons n’auront d’autre choix que de cesser cette activité de délivrance de VPH n’ayant pas le droit de travailler à perte. 

2. La garantie d’une offre d’aides techniques de qualité

Les fabricants et les prestataires de dispositifs médicaux ont pour priorité d’assurer l’accès à des aides techniques de qualité répondant aux besoins réels des bénéficiaires de l’Assurance maladie. Néanmoins, tandis que la réforme a vocation officielle à améliorer le confort de vie des personnes, le projet initial de refonte fait courir le risque d’un nivellement par le bas des VPH proposés.

En effet, les usagers ne disposeront plus que d’un choix restreint car les PSDM/PSAD ne seront pas en mesure de détenir un parc de location de fauteuils roulants, comparable aux nombreux modèles existants actuellement à l’achat remboursé par la Sécurité sociale, notamment les VPH de classes B et C, très techniques et par conséquent onéreux. Les banques nous ont indiqué leur impossibilité de soutenir les TPE et PME du secteur, soit 80% de la profession, dans la création de leur stock et de leur fonds de roulement destinés à la location.

A terme, il y a un réel danger de licenciements, de dépôts de bilan et de retraits de l’activité VPH, pour une part importante des entreprises de la branche. Au-delà des milliers d’emplois non délocalisables directement menacés, c’est hélas l’offre de fauteuils roulants qui diminuera, compliquant davantage encore le parcours de soins et impactant durablement l’autonomie des personnes âgées ou handicapées qui subissent déjà l’aggravation des déserts médicaux.

3. Le développement de la Remise en bon état d’usage

Les experts de nos organisations participent activement aux travaux de définition de la norme AFNOR relative à la Remise en bon état d’usage (RBEU). Nous sommes convaincus de l’opportunité sociétale et écologique de développer une filière de recyclage des dispositifs médicaux, au plus près des usagers, dans toutes nos régions.

En effet, spécialistes de la maintenance de proximité et de la remise en circuit des VPH à la location, les PSDM/PSAD sont depuis des années des acteurs du recyclage des dispositifs médicaux en lien étroit avec leurs fournisseurs-fabricants : ils sont donc parfaitement compétents et naturellement désignés pour intégrer à leurs activités ce service de remise en bon état d’usage et la commercialisation prochaine de fauteuils roulants d’occasion. Les pouvoirs publics pourront ainsi s’appuyer sur le maillage territorial fort de nos entreprises pour franchir ce pas décisif vers une gestion du matériel plus durable.

Aussi, nous sollicitons l’inscription des prestataires de santé à domicile dans la règlementation en cours d’élaboration parmi les professionnels habilités à être homologués en tant que centres agréés de recyclage des dispositifs médicaux, en conformité avec la future norme et le règlement européen Medical Devices Regulation, au même titre que les associations et acteurs subventionnés de l’ESS dont nous partageons les valeurs.

***

C’est dans le sens de ces trois points vigilance que nous soutenons la pétition lancée il y a bientôt un an, « Exigeons une vraie prise en charge des fauteuils roulants », qui a déjà recueilli l’aval de plus de 37 000 signataires – pétition qui vous a été adressée mais sans obtenir une réponse de votre part. Forts de ce soutien de la société civile, nous demeurons plus que jamais déterminés à faire entendre la voix des professionnels des dispositifs médicaux aux côtés des usagers en perte d’autonomie ou en situation de handicap qu’ils équipent partout en France, avec l’exigence et le savoir-faire de leurs métiers.

A cet égard, en accord avec certaines revendications des patients, nous approuvons les préconisations émises par la HAS dans son avis consultatif concernant la garantie du libre choix entre un dispositif neuf ou remis en bon état d’usage, l’ouverture de la prescription des aides techniques aux ergothérapeutes, la suppression des Demandes d’accord préalable (DAP) pour les réparations et les primo-prescriptions de VPH, la possibilité de réduire à deux jours l’essai à domicile du fauteuil roulant pré-choisi, l’autorisation du cumul de VPH sur appréciation du prescripteur, et la fin de l’engagement de restitution obligatoire de l’aide technique après utilisation.

Cependant, il nous semble qu’après l’examen du projet par la CNEDIMTS, des incohérences et marges d’amélioration demeurent. Ainsi, l’introduction d’une limite d’attribution de 5 ans pour le renouvellement d’un fauteuil roulant ajoute une contrainte dommageable aux besoins concrets des personnes en situation de handicap. Par exemple, un mineur de 17 ans, dont la pathologie ou la morphologie serait stabilisée, ne pourra pas changer d’appareillage avant d’avoir 22 ans, et cela malgré l’évolution de ses conditions de vie, de son environnement ou de ses usages, ce qui est très fréquent à cet âge. 

Nos organisations professionnelles, en tant qu’acteurs du champ du handicap et de l’autonomie, partagent l’ambition d’une société plus inclusive, plus solidaire et écoresponsable. Néanmoins cet objectif commun demande des moyens financiers conséquents, un temps minimum d’échanges allers-retours et des délais progressifs de mise en œuvre : c’est pourquoi notre lettre ouverte fait appel aujourd’hui à votre haute autorité en matière de santé, d’autonomie et de handicap.

Nous espérons que vous saurez entendre les inquiétudes des PSDM/PSAD, du réseau officinal, et des fabricants, ainsi que les propositions que nous défendons dans un esprit de concertation, avec le souci de l’intérêt générale, afin d’aboutir à une réforme VPH bénéfique à tous les Français.

Nous vous prions de croire, Madame et Messieurs les Ministres, à l’assurance de notre considération respectueuse. 

Emeric PIVIDOR

Président du SNADOM

Patrick JUDE

Président de l’UFAT

Jean-Roch MEUNIER

Président de l’UNPDM

Didier DAOULAS

Président de l’UPSADI

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